La Série Surnaturelle
La vie de William Marrion Branham
Owen Jorgensen
L’accident de chasse
Chapitre 5
1923-1924
Le cheval de Charles dansait
aussi. Il s’arrêta, s’épongea le front avec son mouchoir à carreaux rouges
et blancs et scruta l’horizon. « Fils, il y a une tempête qui arrive. »
Billy observa le ciel bleu clair.
« Une tempête? Je ne vois pas de tempête, papa. »
« Tu ne comprends pas, fils. Dieu
a donné un instinct à ces chevaux. Ils peuvent sentir cette tempête bien à
l’avance. »
Ils recommencèrent à labourer,
mais ne firent que deux rangées avant que des nuages sombres pointent à
l’horizon. Ils eurent juste le temps de rentrer les chevaux à l’écurie, que
déjà la pluie tombait à verse. Billy pensait rarement à Dieu, car le sujet
n’était pas souvent abordé chez lui, mais ce jour-là, il pensa à Lui et se
demanda quels autres instincts Il pouvait bien avoir donné aux animaux.
Pensant à toutes les choses merveilleuses qu’il avait vues parmi les
créatures des bois, Billy décida que Dieu devait être un type pas mal
intelligent.
Un samedi matin, Billy demanda
s’il pouvait passer la journée en ville. Charles lui remit dix cents [0,07
euro] pour l’avoir aidé toute la semaine, lui disant : « Ne dépense pas tout
cet argent au même endroit, fils. »
Billy se rendit chez son cousin
Jimmy Poole, à Jeffersonville, en faisant de l’auto-stop. Puis Jimmy,
Earnest Fisher et lui allèrent se promener en ville pour dépenser leur
argent. Tout en marchant, Billy tâtait la pièce de dix cents [0,07 euro]
qu’il avait dans sa poche ; il se sentait tellement riche. Il commença par
acheter un cornet de crème glacée pour un cent. Après l’avoir mangé, il en
acheta et en mangea encore deux. Puis, il alla au magasin de bonbons
Schimpff et lorgna la rangée au-dessus des rangées de bocaux remplis de
bonbons durs. Billy y était déjà allé et il savait ce qu’il préférait. Il
paya deux cents [0,014 euro] pour une demi-livre de bonbons forts à la
cannelle. Il ne lui restait maintenant plus que cinq cents [0,035 euro],
juste assez pour deux séances au théâtre Léo.
Après avoir regardé des films
western pendant des heures, Billy rêvait de vivre dans l’Ouest et de devenir
un héros dans un ranch. L’apogée de ses ambitions de jeune était d’être un
vrai cow-boy avec des jambières, des bottes, un chapeau à large bord et un
cheval si fougueux, que personne d’autre que lui ne pourrait le monter. Il
avait souvent entendu son père raconter comment il avait débourré des
chevaux sauvages lorsqu’il était plus jeune et comment il avait participé à
des rodéos, du Kentucky jusqu’au Texas. Billy pensait : « Oh, lorsque je
serai un tout petit peu plus âgé, je partirai dans l’Ouest et serai un vrai
cavalier. »
Billy s’entraînait sur le vieux
cheval de trait. Lorsqu’il passait la journée dans les champs avec son père,
Billy revenait toujours plus tôt à la maison pour faire ses tâches. Il
conduisait son canasson fatigué derrière l’écurie, à l’abreuvoir qui était
fait d’un billot que l’on avait creusé au centre. Le cheval y plongeait son
museau et buvait l’eau à longs traits, pendant que Billy lui ôtait son
harnais et le rentrait à l’écurie. Les abeilles bourdonnaient au-dessus de
l’eau. Les jeunes frères de Billy se rassemblaient tout autour. Ils avaient
pris les poils de la crinière et de la queue du cheval qui restaient dans la
brosse et les avaient tressés. Ils appelaient ça un serpent de poils de
cheval et ils le faisaient flotter dans l’abreuvoir. Lorsqu’en buvant, le
cheval faisait des vagues, le « serpent » remuait et se tortillait comme une
vipère cuivrée à la surface de l’eau.
Billy traînait une selle de
l’écurie et la mettait sur le dos du cheval. Il y avait beaucoup de
gratterons qui poussaient autour de l’abreuvoir. Billy ramassait une poignée
de ces petites boules piquantes et la mettait sur le dos du cheval avant
d’attacher la selle en serrant. Ses frères s’alignaient sur la clôture pour
assister au spectacle. Sautant sur le dos du cheval, Billy lui plantait les
talons dans les flancs, pour le faire ruer. Le pauvre vieux cheval, qui
était épuisé après sa journée de travail, hennissait seulement de douleur et
se retournait, soulevant à peine les sabots du sol. Billy se balançait sur
la selle d’avant en arrière, imaginant que son cheval était un vrai cheval
sauvage de rodéo qui ruait. Il criait : « Regardez-moi, je suis un vrai
cowboy! » tandis qu’il frappait son cheval sur la croupe avec son chapeau de
paille. Tous ses frères riaient et tapaient des mains.
CET AUTOMNE-LA, après les moissons,
Billy passa de plus en plus de temps dans les bois, pêchant et chassant avec
son chien terrier Fritz. Billy aimait son chien et se vantait que Fritz
pouvait forcer à se réfugier sur un arbre n’importe quelle bête capable de
grimper. Même les mouffettes ne pouvaient décourager la fidélité de son
chien. Fritz poussait la mouffette jusque dans un buisson, puis courait
autour du buisson en jappant pour qu’elle ne s’échappe pas. Quand Billy
arrivait, il ne lui restait plus qu’à soulever le buisson et à dire : «
Attrape, mon gars. » Sans hésiter, Fritz se jetait sur la mouffette, sans se
préoccuper de l’odeur nauséabonde dégagée par les jets de liquide projetés
contre lui. Naturellement, la mère de Billy désapprouvait ce genre de
pratique.
La chasse et la pêche devinrent
bientôt, pour Billy, beaucoup plus qu’un passe-temps. Ses heures passées
dans les bois devinrent un refuge contre le monde extérieur, un interlude de
paix dans une vie rendue oppressante par des circonstances trop dures à
supporter. Dans la forêt, Billy ne se sentait plus comme un paria. Il
sentait qu’il faisait partie de la vie sauvage, du rythme des saisons, de
l’ordre naturel de l’univers. Il sentait qu’il appartenait à ce monde.
Billy commença à explorer de plus
en plus loin de la maison et, ce faisant, il découvrit Tunnel Mill, une
contrée rurale située à 15 milles [24 km] au nord-est de Jeffersonville,
près de Charlestown, en Indiana. La région devait son nom à un magnifique
moulin à farine qui se trouvait près de Fourteen Mile Creek, la rivière
Fourteen Mile. Au début des années 1800, un homme nommé John Work, cherchait
un bon endroit pour construire un moulin. Il n’était pas facile de trouver
l’endroit parfait. Le courant devait être assez fort et le volume d’eau
assez grand pour pouvoir faire tourner la gigantesque roue du moulin, le
plus grand nombre de mois possible durant l’année. John Work remarqua qu’à
un certain endroit, la rivière entourait presque complètement une colline de
rochers et que son niveau baissait de plus de 24 pieds [7 m]. Il calcula
astucieusement que, s’il construisait son moulin en aval de la rivière et
qu’il perce un tunnel dans le roc de la colline en amont, à la dynamite, la
pente du tunnel créerait un débit d’eau bien assez puissant pour faire
tourner la roue du moulin. Le moulin et le tunnel furent achevés en 1820, ce
qui valut à la région le nom approprié de Tunnel Mill, le Moulin au tunnel.
Trente ans plus tard, le fils de John Work vendit le moulin à Wilford Green,
dont la famille l’exploitait depuis lors. C’est la raison pour laquelle,
parfois, les habitants de la région appelaient aussi cet endroit Green’s
Mill.
Isolée de la civilisation, la
région de Tunnel Mill pullulait de poissons, chevreuils, opossums,
mouffettes, ratons, rats musqués, castors, écureuils, arbres, collines,
rochers, quiétude et sérénité, en résumé, tout ce que Billy voulait dans la
vie. Il se rendait souvent là-bas, montant dans des camions qui faisaient
des livraisons entre Jeffersonville et Charlestown. Parfois, il réussissait
à convaincre ses deux copains, Jimmy Poole et Sam Adair, à y aller avec lui.
D’autres fois, il emmenait Edward et Henry. Ils dormaient habituellement
dans une cabane abandonnée et pêchaient leur petit déjeuner directement dans
la rivière. À un certain endroit, la rivière était profonde de 10 pieds [3
m] et large de 40 pieds [12 m], un endroit rêvé pour se baigner. Billy
appela cet endroit le « Trou du castor ». Il prenait une grande corde et
l’attachait à une branche d’arbre tendue au-dessus de l’eau. Du rivage, ils
se pendaient à la corde, se balançaient au-dessus de l’eau en décrivant un
grand arc, puis se laissaient tomber au milieu. Les garçons s’amusaient
pendant des heures avec cette corde.
Lorsque personne ne pouvait
l’accompagner, Billy se rendait seul à Tunnel Mill, en faisant de
l’auto-stop. Il pouvait passer des jours à chasser et à pêcher, explorant la
forêt au sol accidenté. Au cours d’une de ses randonnées, il découvrit
accidentellement ce qui allait devenir sa future retraite. Au détour d’une
colline, il se retrouva au pied d’une falaise de calcaire. Un peu plus loin,
le sol devenait un ravin d’environ 80 pieds [24 m] de profond. Aux
alentours, la forêt était très dense et il y avait un peu partout des blocs
de calcaire qui étaient tombés de la paroi. Billy était en train de se
frayer prudemment un chemin au pied de la falaise lorsqu’il remarqua un trou
de deux pieds [60 cm] de large à ses pieds, presque complètement dissimulé
par un buisson. Il se dit tout d’abord que c’était le terrier d’un renard,
une fente dans les rochers qui permettait aux animaux de se protéger du
froid. Mais une inspection de plus près lui révéla que c’était l’entrée
d’une grotte. Billy se tortilla pour y pénétrer, les pieds en avant. Le trou
était profond d’environ trois pieds [90 cm], puis le sol était en pente
jusqu’à un étroit passage dans la colline, assez haut pour qu’il puisse se
tenir debout. L’air était froid et humide. Billy se fraya un chemin le long
du boyau et avança un petit peu, mais il se mit à avoir peur. Et s’il
tombait dans un trou ? Il n’osait pas aller trop loin dans l’obscurité. Il
reviendrait plus tard, mieux préparé.
Lorsque Billy retourna dans la
région, il apporta des chandelles afin d’explorer la grotte plus loin. Il
pénétra dans l’ouverture en se tortillant et descendit la pente glissante en
dérapant, jusqu’à l’endroit où il pouvait se tenir debout. Le boyau avait
seulement 18 pouces [45 cm] de largeur. Bien que les parois aient été à peu
près perpendiculaires, les ombres causées par la flamme dansante de sa
bougie accentuaient les angles de cette cavité en calcaire. Le passage
tourna légèrement vers la droite puis s’élargit un peu. À cet endroit, le
sol et le plafond étaient relativement plats, comme si cette partie de la
grotte avait été aménagée en habitation pour des humains. Il s’y trouvait
même une saillie plate sortant d’un mur qui avait la taille d’un lit.
Environ
12
pieds [3,6 m] plus loin, le
corridor redevint plus étroit ; le sol et le plafond de la grotte étaient
irréguliers et, au plafond, il y avait des morceaux de calcaire acérés qui,
quoique solidement pris dans le roc, donnaient l’impression de vouloir
tomber à tout moment.
Maintenant, Billy se trouvait à
environ 25 pieds [7,5 m] de l’entrée de la grotte. Soudain, il s’arrêta et
siffla d’étonnement. Devant lui, la grotte s’élargissait en une petite
pièce. Au centre de la pièce se trouvait une table formée dans un gros bloc
de calcaire. La table était un bloc rectangulaire d’environ trois pieds [90
cm] de haut, trois pieds [90 cm] de large et quatre pieds [1,2 m] de long.
Le dessus de la table semblait remarquablement plat et les coins étaient
parfaitement à angle droit. Mais la chose la plus étonnante, c’était un
morceau de roc à trois côtés, qui avait la forme précise d’une pyramide à
l’envers. La pierre pendait du plafond directement au-dessus de la table ;
la pointe de la pyramide n’était qu’à quelques pouces [centimètres] de la
table.
Billy était content de sa
découverte. Cela semblait être une parfaite retraite. Il décida de ne pas la
montrer à ses frères ou à ses copains. Cela serait son secret. Lorsqu’il
quitta la grotte, il camoufla l’entrée avec du feuillage, pour éviter qu’un
autre chasseur ou randonneur ne la découvre.
Green’s Mill,
comme cela doit avoir été connu de Billy |
CETTE EPOQUE-LÀ
fut la meilleure période de sa jeunesse, ses bons souvenirs, explorant les
bois, dormant à la belle étoile, pêchant pour son petit déjeuner et chassant
pour son souper avec sa carabine de calibre .22. Les talents de tireur de
Billy s’améliorèrent tellement qu’il pouvait maintenant tirer un écureuil à
50 verges [45 m] et, chaque fois, la balle l’atteignait entre les deux yeux.
En fait, par esprit sportif, Billy ne pressait jamais la détente si
l’écureuil ne regardait pas dans sa direction. Et il n’était pas moins doué
avec un fusil de chasse, pouvant facilement tirer un oiseau en plein vol.
Un soir d’automne 1923, Billy, qui
avait quatorze ans, revenait à la maison avec son cousin Jimmy Poole. Ils
avaient tous deux passé l’après-midi à la chasse aux oiseaux, mais
maintenant leurs pensées étaient ailleurs, ils plaisantaient, riaient et
s’envoyaient des boutades. Malheureusement, Jimmy avait oublié de décharger
son fusil. Soudain, un coup de fusil tiré à bout portant partit et atteignit
les jambes de Billy. Billy s’écroula en poussant un cri de douleur.
Jimmy tomba sur ses genoux en
balbutiant : « Je suis désolé, Billy. Je suis tellement désolé, c’est un
accident. Je ne l’ai pas fait exprès... » Puis il vit les jambes de son ami.
Jimmy pâlit affreusement. « Essaie de ne pas bouger, Billy, je vais chercher
de l’aide. »
« Non, ne me quitte pas », cria
Billy. Mais Jimmy avait déjà déguerpi comme un lièvre. Lorsque Billy regarda
ses jambes, il vit avec effroi qu’elles avaient presque éclaté en deux
morceaux. Il laissa retomber sa tête sur le sol et se mit à trembler de
terreur. Il cria : « Dieu, aie pitié de moi. Tu sais que je n’ai jamais - »,
puis il s’arrêta, essayant de penser à quelque chose de bien qu’il aurait pu
faire dans sa vie, quelque chose qui pourrait influencer Dieu afin qu’Il ait
pitié de lui. La seule chose à laquelle il pouvait penser, c’était : « Dieu,
aie pitié de moi. Tu sais que je n’ai jamais commis adultère. »
Bientôt, Jimmy revint avec un
voisin, Frankie Eich, qui conduisit Billy à l’hôpital Clark County Memorial.
Billy hurlait de douleur, pendant que les infirmières coupaient de gros
morceaux de chair et nettoyaient les plaies ouvertes du mieux qu’elles
pouvaient. M. Eich tenait la main de Billy. Lorsque les infirmières eurent
terminé, elles durent dégager les doigts de Billy des poignets de M. Eich.
Une radiographie révéla la présence de balles tellement près des artères que
la moindre égratignure pouvait sectionner les veines et Billy se mettrait à
saigner. A cette époque-là, les transfusions de sang n’existaient pas
encore. Si Billy perdait trop de sang, ce serait fatal.
Cette nuit-là, Billy dormit d’un
sommeil agité, parfois gémissant, d’autres fois hurlant de douleur. Un peu
après minuit, il se réveilla à cause d’un bruit d’éclaboussure. Tâtant ses
jambes mutilées, il plongea sa main dans une mare de sang. Il sonna pour
alerter les infirmières, mais, tout ce qu’elles purent faire fut d’éponger
le sang avec des serviettes et de resserrer les bandages.
Le lendemain matin, les
infirmières conduisirent Billy sur un chariot jusqu’à la salle d’opération,
puis, elles l’endormirent avec de l’éther. Le Dr Reeder fit de son mieux
pour réparer les dommages, mais le garçon était si faible qu’il ne pensait
pas qu’il s’en sortirait. À part les parents de Billy, deux autres personnes
veillèrent Billy durant cette épreuve, Mme Stewart, une amie de la famille
et Mme Roeder dont le mari était directeur de l’usine d’automobiles de
l’endroit.
Billy dormit pendant huit heures
sous l’effet des analgésiques. Lorsqu’il ouvrit les yeux, il vit Mme Roeder
qui était assise près de son lit et qui pleurait parce qu’il était si près
de la mort. Il se rendormit et, pendant les heures qui suivirent, il perdit
et reprit connaissance plusieurs fois. Puis quelque chose arriva, comme un
rêve, mais, plus précis qu’un rêve ; aussi clair que s’il y était
réellement... il se sentait tomber, tomber à travers des nuages dans une
éternité sombre, plus bas, plus bas, plus bas... Ce monde étrange semblait
ne pas avoir de fond, rien pour arrêter sa chute. Il cria : « Papa ! » Ce
mot semblait vide et sans vie. Il cria : « Maman ! Maman ! » Sa mère n’était
pas là. Il cria : « Dieu, attrape-moi ! » Ses cris de détresse se perdaient
dans ce néant. Est-ce que la nuit était infinie ? Avait-il quitté les
limites de la terre, hors de la portée de Dieu ? Il allait, peut-être,
tomber comme ça pour toujours. La terreur s’empara de lui.
Puis, il entendit des bruits,
d’abord faiblement, très faiblement même, des sons lugubres, des
gémissements horribles. Alors qu’il tombait, les bruits devinrent de plus en
plus forts, des grognements et des gémissements, jusqu’à ce que ce soit tout
autour de lui. Alors, des visages lui apparurent, des visages hideux de
femmes, avec du vert peint autour des yeux et des bouches tordues qui
grognaient : « Uh... Uh... Uh... Uh... »
Billy cria : « Ô Dieu, aie pitié
de moi, aie pitié ! Si seulement Tu me laisses revenir et vivre, je Te
promets d’être un bon garçon ! »
En un instant, il se retrouva dans
sa chambre d’hôpital, sa vision embrouillée lui renvoyant l’image des yeux
sombres et profonds de sa mère. Le visage d’Ella s’éclaira et elle serra son
fils dans ses bras, sanglotant : « Oh Billy, Billy, nous pensions que tu
étais mort. Merci, mon Dieu, tu es vivant. »
Vivant, oui, mais à peine. Il n’y
avait pas de pénicilline en ce temps-là et ses blessures étaient rouge vif à
cause de l’infection. Son séjour à l’hôpital se prolongea plusieurs
semaines. La famille Branham n’avait pas d’argent pour payer les factures
d’hôpital, alors, Mme Roeder organisa une collecte en faveur de Billy. En
plus de la société de bienfaisance de son église, les francs-maçons, le Ku
Klux Klan, ainsi que des dons privés permirent de payer tous les frais
médicaux.
Finalement, les médecins dirent
que l’état de Billy s’était suffisamment amélioré pour qu’il puisse
retourner chez lui. Malheureusement, son calvaire n’était pas près de
prendre fin. A la maison il dut rester au lit. Les mois passèrent et ses
jambes n’allaient pas mieux. Et Billy souffrait, se tournait et se
retournait sur sa paillasse, pensant à cette étrange expérience, lorsqu’il
s’était senti tomber dans ces horribles ténèbres. Cela avait semblé si réel,
si vrai. Où était-il allé ? Les médecins lui avaient parlé, par la suite, de
sa condition physique au moment de son expérience ; sa tension avait
tellement chuté, qu’ils pensaient qu’il était en train de mourir. Billy se
demanda s’il était tombé en enfer. Cela le tracassait. Il pensait : « Oh,
que je n’aille jamais dans un endroit pareil ; qu’aucun être humain n’ait à
aller dans un tel endroit. » Puis, il pensa à la promesse qu’il avait faite
à Dieu « Si seulement Tu me laisses vivre, je Te promets d’être un bon
garçon. » Qu’est-ce que ça signifiait, d’être un bon garçon ? Et qui était
Dieu, de toute façon ? Cette expérience le laissa perplexe.
Quand l’hiver glacial fit place au
doux printemps 1924, il devint évident que les blessures de Billy empiraient
au lieu de s’améliorer. Ses mollets avaient doublé de volume, de même que
ses cuisses, de sorte qu’il ne pouvait tendre les jambes. Le Dr Reeder
diagnostiqua un empoisonnement du sang provoqué par les débris qui avaient
été laissés dans les blessures. Encore une fois, la vie de Billy ne tenait
qu’à un fil. Le médecin recommanda que ses jambes soient amputées à la
hauteur des hanches. Billy ne pouvait supporter la pensée de perdre ses
jambes. Comment allait-il pouvoir chasser et explorer les bois ? Il pouvait
tout aussi bien mourir. Avec une détermination absolue, il refusa qu’on
ampute ses jambes, disant, les yeux pleins de larmes : « Non, docteur, venez
seulement un peu plus haut et ôtez-les ici » et avec sa main, il traça une
ligne sur son cou.
« Il y a une chance que tu puisses
t’en sortir sans amputation », répliqua le Dr Reeder. « Nous pourrions
essayer d’enlever les débris des blessures. Il n’y a qu’une chance minime
que ça fonctionne, mais ça pourrait marcher. »
C’était une petite chance que
Billy était prêt à saisir. C’est ainsi que, sept mois après son accident,
Billy se retrouva sur une table d’opération. Le Dr Reeder et le Dr Pearl, un
spécialiste de Louisville, ouvrirent à nouveau les blessures et cherchèrent
soigneusement à travers les chairs, enlevant des morceaux de vêtement de
chasse graisseux, de la bourre de fusil et un maximum d’éclats de balles.
Puis, ils refermèrent les incisions et se déclarèrent optimistes.
Billy dormit plusieurs heures sous
l’effet de l’anesthésie. Passant des limbes à une conscience claire, Billy
vécut une autre expérience, aussi réelle et précise que la dernière, mais,
très différente.
Cette fois-ci, il savait qu’il était vraiment réveillé, parce qu’il était
dans sa chambre d’hôpital et qu’il regardait son père bien en face. La
chambre d’hôpital devint floue et il se retrouva dans une prairie, dans
l’Ouest. Il y avait des cactus et des touffes d’herbe partout, jusqu’à
l’horizon. Une immense croix dorée était suspendue devant lui, dans le ciel,
éclatante comme le soleil et lançant des rayons de lumière. Comme Billy
levait les mains en direction de cet emblème, certains rayons de lumière
semblèrent se déverser directement dans sa poitrine. Puis, l’expérience prit
fin et Billy se retrouva dans sa chambre d’hôpital, regardant son père.
L’opération fut un succès.