La Série Surnaturelle
La vie de William Marrion Branham
Owen Jorgensen
La désastreuse inondation
Chapitre 20
1937
Durant la dernière moitié du mois
de janvier, une tempête se déplaça dans le Nord-Est des États-Unis. Pendant
deux semaines, une pluie froide tomba sur la vaste région à l’ouest des
Appalaches, d’où s’écoulait la rivière Ohio. Chaque jour, le niveau de la
rivière Ohio montait de quelques centimètres le long des digues qui
protégeaient Jeffersonville et Louisville. Des hommes patrouillaient en
permanence le long des digues. Si une seule d’entre elles cédait, des
centaines de milles [kilomètres] de terres agricoles seraient inondés, de
même que toutes les parties des villes de la région bâties le long des
rives. Les digues étaient bien bâties, mais c’était seulement de la terre ;
elles ne pouvaient supporter une telle pression d’eau que pendant un certain
temps. Elles s’affaiblissaient de jour en jour. Finalement, un jour à la
mi-février, les autorités décidèrent d’évacuer les gens qui habitaient dans
les zones en danger.
Toute la journée, les routes
furent remplies de gens qui se déplaçaient vers les parties les plus élevées
de la ville. La maison de Billy, de même que celle de Mme Brumbach, étaient
toutes deux situées dans une des régions menacées. Bill devait donc trouver
un endroit pour loger son épouse. Il commença par chercher dans les hôpitaux
habituels. Malheureusement, ils étaient tous pleins. Finalement, il dut
conduire son épouse et les enfants dans un hôpital provisoire établi par le
gouvernement. Puis, il rejoignit l’équipe d’évacuation civile.
Malgré les nombreux
avertissements, certaines personnes demeuraient dans leur maison, le plus
souvent parce qu’elles n’avaient pas les moyens de voyager. Des volontaires
travaillèrent fébrilement pendant toute la nuit pour repérer ces gens et les
déplacer ailleurs avant qu’il soit trop tard. Vers minuit, une partie d’une
digue du côté Indiana de la rivière lâcha, envoyant ainsi un puissant mur
d’eau s’écraser dans le centre-ville de Jeffersonville. Toutes les sirènes
de la ville retentirent en un avertissement final ; le pire était arrivé.
Bill était à l’autre bout de la
ville à ce moment, patrouillant avec un des camions de la compagnie des
Services publics. Il avait son bateau accroché à l’arrière, au cas où il en
aurait besoin. Un appel retentit à sa radio : « Bill, la digue a cédé de
notre côté. Dépêche-toi de te rendre à la rue Chestnut avec ton bateau, on
va avoir besoin de toi. »
Lorsque Bill arriva à l’endroit
indiqué par radio, plusieurs hommes firent signe au milieu des eaux
déchaînées qui tourbillonnaient entre les maisons : « Il y a une mère et un
groupe d’enfants en rade là-bas. Nous ne pouvons aller jusqu’à eux. Crois-tu
que tu pourrais les atteindre avec ton bateau à moteur? »
Observant à travers la neige
fondante et l’obscurité, Bill aperçut une silhouette qui se tenait sur la
galerie d’une maison près de l’endroit où la digue avait cédé. Le torrent
jaillissait à travers ce trou dans la digue et la maison était secouée
violemment par l’assaut de l’eau. À travers le bruit du vent et de l’eau
mugissante, Billy pouvait entendre faiblement le cri d’une femme qui
appelait à l’aide. Le courant avait l’air menaçant : « Je vais faire tout
mon possible. Aidez-moi à mettre le bateau à l’eau. »
Faisant démarrer son bateau, Billy
essaya de se diriger directement vers la femme, mais le courant était trop
fort et le faisait dévier. Il pointa donc le nez de son embarcation à
contre-courant, mit les gaz à fond et se dirigea tant bien que mal vers la
source de l’inondation. Son petit moteur et sa petite hélice luttaient pour
maintenir le cap. Lorsqu’il arriva aussi près qu’il l’osait de la digue
rompue, il fit tourner son bateau dans l’autre direction et se dirigea à
toute allure en travers du courant, ce qui l’amena en diagonale à son but.
Il heurta le côté de la maison et
attacha rapidement son bateau à un pilier de la galerie. La mère s’était
évanouie. Elle faisait pitié, étendue sur la galerie gelée, la neige
fondante collant ses cheveux sur son visage et ses vêtements sur sa peau.
Derrière elle, deux petites filles terrifiées étaient blotties dans
l’encadrement de la porte. Bill réussit à les faire passer toutes les trois,
sans anicroche, de la galerie glissante à son bateau ballotté.
Il pointa son bateau directement
vers les terres surélevées où il avait laissé son camion, mais le courant
puissant le fit dévier de près d’un mille [1,6 km]. Un groupe de secouristes
volontaires commença par sortir les enfants du bateau. Lorsqu’ils
soulevèrent la mère inconsciente, celle-ci se réveilla et se mit à crier
hystériquement : « Mon bébé! Mon bébé! Oh, ne laissez pas mon bébé! »
Saisi, Billy regarda les deux
fillettes qu’il avait secourues. La plus jeune avait au moins deux ans. La
panique le fit frissonner encore plus que la neige fondante qui lui
dégoulinait sur le visage. Il n’avait pas inspecté la maison! Il devait
avoir laissé un petit bébé dans la maison condamnée! Bill hurla en direction
des autres secouristes : « Je vais retourner chercher le bébé. » Les hommes
acquiescèrent.
Bill tourna son bateau de bord et
se dirigea de toutes ses forces à contre-courant vers la digue rompue.
Lorsqu’il atteignit son objectif, une partie de la galerie de la maison
s’était déjà détachée et le reste de la maison semblait être sur le point de
suivre. Bill attacha son bateau à un des poteaux de la galerie qui étaient
restés en place et courut à l’intérieur de la maison, fouillant
frénétiquement une pièce après l’autre. Il n’y avait pas de bébé. Qu’est-ce
que ça pouvait bien vouloir dire? Puis il réalisa : la mère avait été
inconsciente tout au long du sauvetage ; elle ne savait pas que ses deux
petites filles étaient en sécurité. Elle faisait probablement référence à sa
plus jeune fille, lorsqu’elle avait crié : « Mon bébé! »
Autour de lui, la maison gémissait
et se tordait à fendre l’âme. Des morceaux de plâtre pleuvaient du plafond
et rebondissaient contre les murs comme du pop-corn. Un énorme craquement
résonna dans le couloir. Le plancher fut secoué alors que la maison
bougeait, projetant Billy contre une porte de penderie. Un autre craquement
retentit peu après le premier, en même temps que le bruit du bois qui
éclatait. Le bâtiment était en train d’être arraché de ses fondations.
Une vue aérienne de l’inondation à Jeffersonville
Dévalant le couloir, Billy plongea
à travers la porte d’entrée, sans savoir que la galerie venait de se
détacher complètement de la maison. Il atterrit dans l’eau glacée. Par la
grâce de Dieu, il réussit à s’accrocher à une partie de la galerie qui était
entraînée par les vagues. Se tirant hors de l’eau, il grimpa par-dessus les
planches enchevêtrées jusque dans son bateau. Il défit le nœud avec ses
doigts engourdis. Quelques instants plus tard, la maison s’arrachait
complètement de ses fondations et disparaissait dans la nuit.
Bill savait qu’il n’était pas
encore hors de danger. Le moteur avait calé pendant qu’il fouillait la
maison et maintenant, son petit bateau était ballotté sans contrôle dans les
rues inondées. Une vague ou une branche d’arbre pouvaient le faire chavirer
à tout moment. Bill attrapa la corde d’arrimage, couverte de glace, et
enfila le bout noué dans le cran du volant. Il tira fort. Rien ne se passa.
Il tira de nouveau ; toujours rien. Il mit l’étrangleur et essaya une autre
fois. Rien. Le moteur était maintenant noyé. Encore et encore, Billy tira
sur la corde de démarrage jusqu’à ce que ses muscles le supplient d’arrêter.
Le moteur refusait de démarrer.
Pendant ce temps, le courant
l’avait entraîné jusqu’à la rue Market, puis, à travers un autre trou dans
une digue, jusque dans la rivière Ohio même. La terreur redonna de l’énergie
à Bill. Il pouvait entendre le rugissement des chutes de l’Ohio à quelques
minutes de lui!
Des vagues de quinze pieds [4,5 m]
de haut se dressaient autour de lui. Bill luttait pour garder l’équilibre
tout en se battant avec son moteur. Entre deux tractions, il lui semblait
entendre une voix qui lui disait : «
Maintenant, que
penses-tu de ta décision de ne pas aller parmi ces pentecôtistes? » Bill tira à nouveau sur la corde de démarrage. Rien.
Il pouvait entendre les chutes de
l’Ohio gronder non loin de là. S’agenouillant dans l’eau glacée au fond de
son bateau, Bill joignit désespérément ses doigts gelés. « Seigneur, j’ai
une femme malade ainsi que deux bébés malades qui sont dans un hôpital. Dans
quelques minutes, je vais couler dans ces chutes. Oh, Dieu, je t’en prie,
aide-moi. Je ne veux pas mourir ici sur la rivière et laisser ma famille
sans appui. »
Une pensée divergente interrompit
sa prière. Il lui semblait entendre sa belle-mère dire : « De la racaille,
ce n’est que de la racaille. Je ne te permettrai jamais d’entraîner ma fille
parmi de telles ordures. »
Tremblant de remords, Bill pria :
« Dieu bien aimé, je sais que j’ai fait une erreur, mais, s’il te plaît,
pardonne-moi. Jésus, s’il te plaît, aie pitié de moi. Fais démarrer ce
moteur! »
Le grondement des chutes devenait
de minute en minute plus fort. Se levant, Billy tira une dernière fois sur
la corde de démarrage. Cette fois-ci, le moteur cracha, toussa deux fois,
puis démarra. Bill fit tourner son bateau et donna tous les gaz qu’il
pouvait. Il gagna lentement de la distance à contre-courant, jusqu’à ce
qu’il soit assez loin des chutes pour pointer le nez de son bateau en
direction des rives de l’Indiana.
Il échoua non loin du parc Howard,
à des milles [kilomètres] de son point de départ, presque à New Albany.
Après avoir attaché son bateau à un arbre, il se mit à marcher en direction
de Jeffersonville.
Bill durant l’effort de sauvetage
Ce n’est que très tôt le matin
suivant qu’il hissa son corps fatigué derrière le volant de son camion de
service. Il se mit immédiatement en route pour aller voir sa femme et ses
enfants, mais, il dut faire un détour lorsqu’il réalisa que le chemin était
bloqué par l’inondation. Il essaya d’emprunter une autre route. Elle était
aussi bloquée. Au bout de près d’une heure de tentatives infructueuses, Bill
réalisa que toutes les routes allant dans cette direction étaient
impraticables. Soudain, une nouvelle vague de terreur le submergea. Se
pouvait-il que l’hôpital public soit sous l’eau? Il se précipita dans les
bureaux du gouvernement et y trouva un de ses amis, le major Weekly.
« Major, est-ce que l’hôpital a
été inondé? »
« Billy, il y a plus de vingt
pieds [6 m] d’eau dans cette zone. Y connaissais-tu quelqu’un? »
« Oui, une épouse malade et deux
bébés malades. »
« Ne t’inquiète pas, tout le monde
a pu sortir. On les a tous mis dans un train et on les a envoyés dans le
Nord, à Charlestown. Pas fantastique, j’en ai bien peur. Tout ce qu’il y
avait de disponible, c’étaient des wagons à bestiaux. »
Quelqu’un d’autre dit : « J’ai
entendu dire que le train avait déraillé là où les chevalets du pont
enjambent le ruisseau Lancassange. Je crois que tout le monde s’est noyé. »
Toutes les lignes téléphoniques et
télégraphiques entre Jeffersonville et Charlestown avaient été emportées par
les flots. Il n’y avait donc aucun moyen d’obtenir d’autres informations à
moins de s’y rendre. Bill sauta dans son camion et prit la route d’Utica
Pike en direction de Charlestown, qui était à douze milles [20 km] au nord
de Jeffersonville. Le ruisseau Lancassange l’arrêta net. Il était sorti de
son lit sur des milles [kilomètres], transformant en marécages des champs de
maïs et inondant les autoroutes sur des milles [kilomètres] de distance.
Bill retourna à Jeffersonville à toute vitesse, chargea son bateau, remplit
le réservoir d’essence et retourna là où la route d’Utica Pike et les voies
ferrées disparaissaient sous l’eau.
La neige mouillée s’était
transformée en grêle et martelait le fond du bateau, alors que Billy faisait
glisser la quille dans l’eau. Il essaya de suivre les voies ferrées qui
étaient sous l’eau et réussit relativement bien pendant un mille [1,5 km] ;
mais plus il approchait du milieu du ruisseau, plus il devait se battre
contre le courant, jusqu’à ce qu’il dérive complètement hors de son chemin.
Il se retrouva bientôt complètement perdu au milieu d’un champ de maïs
marécageux situé entre deux terrains boisés. Il devenait trop dangereux
d’avancer ou de reculer. Bien que cela lui brise le cœur, Billy savait qu’il
allait devoir attendre jusqu’à ce que la tempête se calme. Il accosta sur
une petite île, se construisit un abri avec des troncs d’arbre et fit un
feu. Puis il s’assit pour attendre... et s’inquiéter.